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Mondes de l'éducation

L’école présentielle en temps de pandémie : négociation collective vs instrumentalisation politique

Publié 19 novembre 2021 Mis à jour 19 novembre 2021
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Dans le cadre des mesures de prévention et d’isolement contre la COVID-19, en 2020, le gouvernement argentin a décrété la suspension des cours présentiels dans tout le pays. Cette décision s’inscrivait dans un cadre institutionnel de soutien social et politique.

Les travailleur·euse·s de l’éducation ont adhéré aux efforts visant à garantir le droit social à l’éducation par le biais du télétravail, mettant à disposition les ressources technologiques de chaque enseignant·e, y compris la connectivité.

Le télétravail a engendré des transformations profondes dans différents aspects du processus de travail, ce qui a eu un impact considérable sur la santé des enseignant·e·s. Face à cette nouvelle réalité dont les syndicats se sont faits l’écho, il est apparu nécessaire de conclure des accords collectifs, afin de réglementer les nouvelles conditions de travail et de faire avancer les droits des travailleur·euse·s du secteur.

Au sein de ces accords collectifs, on peut citer les avancées suivantes : réglementation de la journée de travail et droit à la déconnexion, formation gratuite des enseignant·e·s au télétravail pendant les heures de service, protocoles spécifiques contraignants relatifs au retour aux cours présentiels afin d’éviter la contagion dans les écoles.

Malgré les difficultés engendrées par les profondes inégalités, non seulement dans l’accès aux technologies requises, mais aussi dans les conditions de vie des enseignant·e·s et des élèves, nous nous sommes efforcés de maintenir le lien pédagogique et social avec ces dernier·ère·s, en nous déplaçant dans de nombreux cas jusqu’à leur domicile pour leur apporter le matériel pédagogique (manuels, photocopies).

Selon une enquête de la Confederación de Trabajadores de la Educación de la República Argentina (CTERA), 67 % des enseignant·e·s estiment avoir être surmené·e·s au travail. Quant aux causes évoquées, elles incluent notamment : le manque d’équipement et de connectivité, le manque d’organisation des espaces et des horaires scolaires et la nouvelle modalité de travail virtuel en l’absence de formation suffisante, entre autres. Le contexte inédit et ses fortes répercussions sur les conditions de travail restent un point de désaccord dans le domaine de la santé au travail.

Le gouvernement argentin a élaboré le « Protocole-cadre et des lignes directrices fédérales relatifs au retour aux cours présentiels dans l’enseignement obligatoire et les établissements d’enseignement supérieur ». Ceux-ci prévoient un socle minimum de conditions obligatoires, ainsi que des cadres généraux d’analyse et d’évaluation des risques relatifs au déroulement des activités présentielles.

Rentrée sûre, travail syndical articulé

Les progrès scientifiques ont ouvert un champ de possibilités pour faire face à la pandémie, notamment les politiques de soins et l’accès à la vaccination de masse. En février de cette année, un nouvel accord collectif a été conclu incluant les travailleur·euse·s de l’éducation au sein des groupes cibles prioritaires pour la vaccination contre la COVID-19. Un observatoire du retour aux cours présentiels a également été mis sur pied.

Bien que l’année académique 2021 ait démarré avec un retour progressif aux cours présentiels, la situation épidémiologique s’est vue compliquée par une forte hausse des cas et des hospitalisations, mettant les systèmes de santé locaux à rude épreuve.

La majorité des enseignant·e·s et la société dans son ensemble aspirent à un retour à l’enseignement présentiel en toute sécurité, c’est-à-dire dans des conditions où la vie et la santé de chacun·e priment.

La confédération CTERA, conjointement avec ses syndicats affiliés, a entrepris de mettre en place un suivi de la situation, dans le but de garantir et d’exiger le respect des règles découlant de la négociation collective. À cette fin, elle a pris en considération :

  1. L’analyse de la situation épidémiologique par juridiction, à l’aide d’un tableau de bord dynamique présentant les comportements des principaux indicateurs.
  2. Le suivi du plan de vaccination des travailleur·euse·s de l’éducation et des étudiant·e·s.
  3. Le suivi et le contrôle de la conformité aux protocoles sanitaires.

Le consensus politique institutionnel atteint en 2020 entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux concernant les critères et les modalités de la suspension et/ou du retour à l’enseignement présentiel n’a pas pu être retrouvé en 2021.

« Dans les provinces où la participation effective des syndicats d’enseignant·e·s aux comités paritaires ou aux tables de négociation a été possible, le retour en classe a été consensuel, sûr et moins traumatisant. »

L’Argentine traverse une année électorale voyant le renouvellement des deux chambres du parlement national. Après avoir averti que la suspension des cours en présentiel pourrait constituer l’une des principales causes du mécontentement social, la droite néolibérale, qui constitue la force d’opposition politique majoritaire, a fait de cette question un enjeu électoral.

La décision d’un retour massif aux cours présentiels en l’absence d’une prise en compte du rebond de la contagion, de l’état des locaux scolaires ni du respect des protocoles, a suscité une forte contestation dans les rangs syndicaux. La rentrée des classes s’est convertie en un déplorable exercice de communication. Depuis Buenos Aires et d’autres provinces opposées au gouvernement central, des campagnes de communication de grande envergure ont été lancées au début de la rentrée, tandis que les contagions se multipliaient, que les travailleur·euse·s tombaient malades et mouraient de la COVID-19 et que nos syndicats résistaient et se voyaient exclus de toute prise de décision.

Nous nous indignons et dénonçons le fait que ces gouvernements provinciaux et ces factions politiques instrumentalisent de la sorte l’enseignement public, alors qu’en réalité ils n’ont pratiquement rien investi pour créer les conditions qui permettraient une rentrée sûre.

Nous sommes fier·e·s de constater que dans les provinces où la participation effective des syndicats d’enseignant·e·s aux comités paritaires ou aux tables de négociation a été possible, le retour en classe a été consensuel, sûr et moins traumatisant.

La lutte des enseignant·e·s a permis de décrocher des droits qui améliorent les conditions de travail. Les efforts consentis pour faire respecter ces droits, outre la diffusion et la sensibilisation à l’importance d’une vaccination de masse de la population, y compris des étudiant·e·s de moins de 18 ans, sont autant d’éléments qui ont contribué à la situation actuelle, marquée par un déclin net et soutenu des infections. La pandémie nous accorde un répit, mais elle n’a pas dit son dernier mot. Nous restons vigilant·e·s.

L’éducation et la santé sont défendues en tant que droits sociaux, à l’aide de politiques publiques et de gouvernements qui investissent dans l’éducation et démocratisent les décisions, le tout avec la participation des travailleur·euse·s. Si les avancées obtenues ont été rendues possibles grâce au rétablissement de la Commission nationale paritaire des enseignant·e·s sous le gouvernement du président A. Fernández, la lutte pour leur application et pour de meilleures conditions de travail continue de relever du défi.

Nous sommes retourné·e·s à l’école, nous nous sommes retrouvé·e·s, nous sommes heureux·euses et NOUS CONTINUONS À PRENDRE SOIN DE NOUS.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.