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REPORTERS / GODONG / BSIP
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Afrique : la solidarité internationale permet aux éducateur·trice·s d’enseigner à l’aide de livres de contes aux valeurs locales

Publié 21 janvier 2022 Mis à jour 28 janvier 2022

Les histoires locales sont au cœur des nouvelles publications de manuels scolaires, grâce au financement accordé au Centre panafricain des enseignants (CPAE) par l’ Australian Education Union (AEU). Les syndicats africains de l’éducation imprimeront ces livres de contes pour aider les élèves à développer un goût pour la lecture à partir d’histoires se déroulant dans le contexte local. Dans la plupart des cas, les enseignant·e·s ont écrit ou sélectionné des histoires provenant des cultures locales, ce qui s’avère plus pertinent pour les élèves de la population locale.

En 2021, l’AEU a décidé de perpétuer le soutien apporté à un programme de coopération au développement en Afrique, comprenant le développement et la production de livres de contes. Ce programme est mené en collaboration avec le CPAE, un département de l’Internationale de l’Éducation Région Afrique. Le CPAE est en charge du développement professionnel des enseignant·e·s et des travailleur·euse·s de l'éducation, ainsi que de la promotion de l’équité et d’un enseignement public de qualité pour tou∙te∙s, en Afrique. Il veille à ce que les affiliés de l’Internationale de l'Éducation reçoivent une formation dans divers domaines, notamment la méthodologie de recherche. L’objectif consiste à renforcer la capacité du syndicat à recueillir les éléments nécessaires à la construction de leurs récits dans le dialogue social.

AEU : le matériel d’apprentissage doit être culturellement pertinent et mis en contexte

La secrétaire fédérale de l’AEU et présidente de l’Internationale de l’Éducation, Susan Hopgood, a expliqué que l’AEU a toujours considéré les programmes de coopération au développement comme un moyen de construire des organisations, de soutenir le développement et le renforcement des syndicats de l’éducation. « Et nous cherchons toujours des moyens d’atteindre un enseignement public de qualité pour le monde entier.

Nous considérons qu’il est important pour les syndicats de l’éducation de venir en aide à d’autres organisations », a-t-elle déclaré. Dès lors, quand l’Internationale de l'Éducation a proposé à l’AEU de travailler pour la première fois avec le CPAE, son syndicat a accepté volontiers.

« Le programme n’est pas seulement une opportunité de fournir un développement professionnel aux syndicats d’enseignants en Afrique, il offre aussi des opportunités pour les militants et militantes de l’éducation de se réunir et d’apprendre les uns des autres, en fournissant du matériel d’apprentissage et en développant du matériel qui sera utilisé en classe. »

Susan Hopgood s’intéresse aussi à ce programme du point de vue des droits culturels : « Par expérience, nous savons que le matériel d’apprentissage doit être en lien avec le contexte. Le matériel d’apprentissage doit être culturellement pertinent et mis en contexte. Nous le remarquons dans notre propre pays, en travaillant avec les Premières nations et les élèves migrants. »

Contribuer à l’éducation pour tous

Selon le directeur du Bureau régional Afrique de l’Internationale de l'Éducation, Dennis Sinyolo, « c’est une belle opportunité pour les organisations membres bénéficiant du projet de contribuer à l’éducation pour tous et toutes, en particulier dans les zones défavorisées. Dans certaines écoles, le livre de contes est le seul manuel scolaire dont disposent les enseignants et enseignantes. En outre, le programme comprend un volet de formation professionnelle, permettant aux enseignants de se former à la rédaction et à l’usage du livre. »

Burkina Faso : une formation bénéfique pour les enseignant·e·s issu·e·s de diverses réalités culturelles

Au Burkina Faso, le secrétaire général de la Fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l’éducation et de la recherche (SYNTER), Souleymane Badiel, a déclaré que les histoires ont été écrites, relues et sélectionnées en 2015, mais aussi que leur contenu a été adapté au niveau des enfants ciblés.

L’un des points mis en évidence dans le programme de développement professionnel concernait la perte de valeur locale. « C’est un problème auquel notre société est confrontée », a ajouté Souleymane Badiel. « Voilà pourquoi nous observons un certain nombre de dysfonctionnements au niveau de la jeunesse, par exemple la mauvaise discipline, la délinquance juvénile et sa relation avec les stupéfiants, ou encore la question des relations entre les jeunes et les personnes âgées. »

Le rôle de la narration dans la transmission des valeurs

Dans les villes, les nouvelles technologies ont remplacé les histoires que racontaient les grands-mères à leurs petits-enfants – une activité qui pouvait pourtant ancrer ces valeurs, a regretté Badiel.

« Il faut restituer ces histoires sur des supports écrits, audio ou visuels pour que les enfants puissent en prendre connaissance », a conseillé le dirigeant de la F-SYNTER.

Il a également constaté que les élèves ne lisent plus et ont perdu le goût de la lecture. Dès lors, il pose la question sur la façon dont il faudrait inciter les enfants à lire aujourd’hui, en particulier les plus jeunes d’entre eux∙elles. « C’est possible d'y parvenir grâce à des histoires comme celles qui ont été développées dans le cadre de ce programme, plutôt que par des manuels scolaires classiques qui sont toujours ressentis comme une obligation à l’école. »

L’engagement dans des activités telles que l’impression de livres de contes – qui ne font pas parties des activités principales des syndicats – s’avère aussi l’occasion de présenter le syndicalisme sous un autre jour, a fait remarquer Badiel. Il était tout à fait regrettable que d’aucuns considèrent que les syndicats ne s’adonnent qu’aux grèves, a ajouté Badiel. Ce dernier a insisté sur la contribution des syndicats dans le lancement de projets qui contribuent au développement du système éducatif.

Il est également décevant que les autorités publiques n’aient pas suffisamment assumé leur responsabilité au sujet des manuels scolaires. « Il y a un manque évident de ressources financières. La question des manuels scolaires se pose avec une attention particulière lors de ce type d’exercice consistant à créer des manuels scolaires adaptés aux besoins des apprenants. Nous en sommes arriver à la situation où il n’y a qu’un manuel pour dix élèves. Même pour de simples séances de lecture, il n’y a aucune ressource pour acheter des manuels scolaires. »

Burkina Faso : les manuels scolaires d’histoire sont encore centrés sur la France ou l’Europe

Le secrétaire général du Syndicat National des Enseignants du Secondaire et du Supérieur (SNESS), Anatole Zongo, a expliqué que, au Burkina Faso, certains manuels scolaires d’histoire sont encore centrés sur la France ou l’Europe.

« Au cours des dernières années, certains de ces manuels ont été remplacés, mais pas tous », a-t-il précisé.

« Par conséquent, les enseignants et enseignantes utilisent des livres provenant du Sénégal, de la Côte d’Ivoire ou de la France, et la plupart des ouvrages scolaires mettent en avant des situations et des cultures étrangères importées.

Mais ce ne sont pas nos réalités. Doudou et Fatou ne sont pas des prénoms du Burkina Faso ! »

Zongo a également ajouté que l’apprentissage est plus fluide lorsque le contexte culturel est familier. Ceci a rendu très pertinente l’organisation de la formation de développement professionnel, grâce à l’AEU et au CPAE, avec des récits présentant « des situations connues, spécifiques aux réalités des élèves et aux coutumes de la communauté ».

Il a également rappelé que les quatre organisations membres de l’Internationale de l'Éducation étaient représentées lors de l’atelier de formation qui a duré deux jours. Le SNESS a envoyé trois membres à l’atelier, au cours duquel les enseignant·e·s ont été formé·e·s à la rédaction d’un livret sur les réalités spécifiques, c’est-à-dire les coutumes locales, les contes et les légendes. L’objectif consistait toujours à choisir les meilleures histoires et à les publier, a souligné Zongo. Les manuels scolaires écrits et imprimés doivent servir de documents pédagogiques pour les enseignant·e·s du primaire et du secondaire, et de support aussi bien pour les enseignant·e·s que pour les élèves. Désormais, ces ouvrages doivent être promus, a-t-il conclu.

Ghana : le recours à de nouvelles compétences pour écrire des histoires en dialectes locaux

Le Secrétaire général de la Ghana National Association of Teachers (GNAT), Thomas Mussa, a souligné la qualité du programme du CPAE concernant le projet de développement de livres avec la GNAT. Le thème du programme est « Travaillons ensemble ».

La GNAT a choisi des enseignant·e·s qui consacreront deux à trois semaines durant les vacances scolaires à la formation à divers aspects professionnels dans une région spécifique.

Thomas Mussa a décrit la façon dont les participant·e·s sélectionné·e·s ont été formé·e·s à l’alphabétisation, la narration et l’écriture. Les syndicalistes formé·e·s ont ensuite appliqué ces compétences acquises pour écrire des histoires simples dans leurs dialectes locaux et les ont employées comme support pour le niveau scolaire basique.