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Mieux faire entendre la voix des jeunes dans les syndicats dans la nouvelle normalité de la COVID-19

Publié 5 avril 2022 Mis à jour 11 avril 2022

L’Internationale de l’Éducation s’est alliée à d’autres fédérations syndicales mondiales (FSM) pour mener à bien un projet visant à promouvoir le renouvellement syndical et à former de jeunes syndicalistes.

Ce projet intitulé « Mieux faire entendre la voix des jeunes dans les syndicats dans la nouvelle normalité de la COVID-19 », est soutenu par l’Internationale de l’Éducation et la Confédération syndicale internationale (CSI), l’Internationale des services publics (ISP), la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), IndustriALL et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB). Le projet bénéficie du soutien financier d’une fondation allemande, la Friedrich-Ebert-Stiftung (FES).

Effets manifestes de la pandémie de COVID-19 sur les jeunes travailleur·euse·s

Dès avant la pandémie de COVID-19, les jeunes travailleur·euse·s étaient représenté·e·s de manière disproportionnée dans les formes d’emploi précaire ou non permanent, notamment le travail intérimaire, temporaire et informel, ce que les FSM déplorent. Ces formes d’emploi se caractérisent par l’absence de droits et de protections du travail, des salaires bas, de mauvaises conditions de travail et l’absence et/ou un accès inadéquat à la protection sociale.

Les conséquences sociales et économiques de la pandémie de COVID-19 n’ont fait qu’aggraver la situation des jeunes travailleur·euse·s. Les jeunes femmes ont été particulièrement touchées. Il ressort d’une étude récente menée par ONU Femmes que la crise sanitaire a clairement eu des effets sexospécifiques. Dans l’ensemble, les femmes ont perdu (et continuent de perdre) des revenus à la suite des confinements. En outre, le volume considérable de travail domestique et de soin non rémunéré que les femmes effectuaient déjà avant la pandémie a augmenté de façon exponentielle.

Actions des FSM en faveur des jeunes travailleur·euse·s

Les FSM s’efforcent déjà de réunir les jeunes travailleur·euse·s de différents secteurs, syndicats et régions. L’objectif est de discuter et de partager des idées et des préoccupations concernant les nouveaux défis que doivent relever les jeunes travailleur·euse·s dans le contexte de la pandémie. Les FSM ont clairement décidé de promouvoir des salaires et des conditions de travail décents pour les jeunes travailleur·euse·s et de renforcer leur représentation et leur participation active au sein du mouvement syndical.

Deux webinaires sur le thème « Mieux faire entendre la voix des jeunes » ont été organisés par les FSM en juillet 2020 et deux séances de formation (pilotes) en ligne se sont déroulées en novembre 2020. Les participant·e·s ont activement pris part aux discussions au cours des deux webinaires et ont demandé que des débats plus approfondis soient organisés sur certains sujets d’intérêt.

Les jeunes travailleur·euse·s rencontrent des difficultés particulières depuis des années et celles-ci ont été aggravées par la pandémie. Il s’agit notamment d’un taux élevé de chômage des jeunes, du travail précaire et peu sûr, de la dégradation des conditions de travail, de la discrimination et des inégalités au travail.

Né de ces difficultés, le projet des FSM poursuit les objectifs suivants :

  • Renforcer le leadership des jeunes militant·e·s syndicaux·ales ;
  • Améliorer la compréhension des jeunes travailleur·euse·s et renforcer leur capacité d’analyser des questions internationales complexes affectant les (jeunes) travailleur·euse·s dans le monde du travail et d’intégrer ces questions dans leur travail syndical ;
  • Accroître la participation active et la représentation des jeunes travailleur·euse·s dans les syndicats ; et
  • Renforcer la solidarité internationale des jeunes travailleur·euse·s à l’intérieur des secteurs et entre ceux-ci.

Le plan stratégique de l’Internationale de l’Éducation pour la période de Congrès en cours (2019-2023) comporte par ailleurs une priorité stratégique visant à faire en sorte que les jeunes militant·e·s participent activement à tous les niveaux dans leurs organisations membres respectives et dans leurs propres structures.

Activités diverses relevant du programme FES/FSM

D’ici la fin 2023, un groupe de travail de jeunes leaders ·ales se réunira, discutera et conviendra des principaux problèmes qui touchent les jeunes travailleur·euse·s tous secteurs confondus et dans toute leur diversité multiple, en particulier à la lumière de la pandémie de COVID-19 et de ses répercussions sur les formes nouvelles et existantes de travail.

Le groupe de travail formulera également une recommandation recensant les principales pistes d’action des FSM.

Il est également attendu que :

  • Les problèmes et les préoccupations des jeunes travailleur·euse·s soient intégrés dans les programmes syndicaux à tous les niveaux ainsi que dans les campagnes et les structures décisionnelles pendant la pandémie de COVID-19 et par la suite ; et
  • Les préoccupations et les idées des jeunes militant·e·s syndicaux·ales soient prises en compte dans les réponses à court, moyen et long terme des gouvernements à la crise, sociale, économique et de santé publique actuelle aux niveaux local, national, régional et mondial.

Plusieurs activités sont prévues pour atteindre les objectifs du projet :

  • Un groupe de travail international sur les jeunes travailleur·euse·s et les nouvelles formes de travail. Il se compose de 18 jeunes syndicalistes issus des organisations membres des FSM participantes du monde entier. Après des ateliers réguliers, le groupe de travail fera notamment rapport sur les principales priorités des jeunes travailleur·euse·s des différents secteurs. Il élaborera également des recommandations sur les modalités, le format et/ou les approches d’un dialogue intergénérationnel et intersectoriel au sein des syndicats et entre ceux-ci aux niveaux national, régional et international, en tant que composante essentielle pour la (re)construction et le renouvellement du mouvement syndical dans un monde du travail bouleversé par le COVID-19 ; et
  • Une académie mondiale des jeunes travailleur·euse·s sous la forme de modules d’enseignement virtuels et en présentiel. Sa fonction consiste à former 20 jeunes leaders et militant·e·s syndicaux·ales en vue de façonner une « nouvelle normalité » fondée sur l’économie, le social, le climat, la dimension de genre et la justice raciale.

Les FSM collaboreront avec la Global Labour University en vue de mettre au point les cours et le programme de l’académie. Les conclusions et recommandations du groupe de travail sur « les jeunes travailleur·euse·s et les nouvelles formes de travail » alimenteront les cours et le programme de l’académie mondiale.

Le leadership des jeunes est « vital » dans un syndicat

Ruby Ana Bernado, membre de l’ Alliance of Concerned Teachers aux Philippines, a été choisie pour faire partie du groupe de travail en raison de son expérience dans l’organisation, les activités de plaidoyer et les campagnes sur les jeunes travailleur·euse·s dans les nouvelles formes de travail.

« Généralement, le combat de tous les enseignants et enseignantes aux Philippines est également celui de tous les jeunes enseignants et enseignantes, depuis la surcharge de travail, la rémunération insuffisante et les attaques jusqu’aux problèmes liés à l’apprentissage à distance », a-t-elle expliqué. « Il est également important que de jeunes enseignants et enseignantes fassent partie de la direction du syndicat », et que leur voix et leurs opinions soient entendues.

Bernado a reconnu l’intérêt de rencontrer différents leaders syndicaux de divers secteurs et pays. Grâce à ces rencontres, elle comprend mieux que le leadership des jeunes est « vital » dans un syndicat.

En tant que membre d’un comité axé sur les réseaux sociaux, elle considère qu’il « est très utile de diffuser des informations sur ce que font les syndicats dans les pays, que mes jeunes collègues syndicalistes voient que nous ne sommes pas seuls et qu’il existe un esprit de solidarité. Je peux expliquer comment nous diffusons les informations sur les plateformes des réseaux sociaux. Je peux organiser une campagne d’affiliation parmi nos jeunes et répercuter ce que j’ai appris dans le cadre de ce programme. »

Elle a admis que ses principales attentes concernent la solidarité sociale et elle espère que les campagnes syndicales sur les droits humains, les droits du travail et l’éducation pour tou·te·s seront entendues sur la scène internationale.

« Les jeunes sont essentiels à l’intérieur du syndicat en raison de notre tempérament inné de force, d’idéalisme, de passion et parce que nous avons beaucoup de temps et de détermination », a ajouté Bernado. « Nous faisons également preuve de créativité dans la conception de stratégies de campagne. Du point de vue international, nous voyons aussi comment les jeunes se mobilisent pour la justice climatique, la lutte pour la démocratie et que la souveraineté et les droits humains se sont améliorés dans de nombreux pays, même aux Philippines. »

Doter les jeunes syndicalistes enseignants de connaissances

Pour Geneviève Ngo Djon, qui dirige le département Cellule Jeunes de la Fédération camerounaise des syndicats de l’Éducation (FECASE), « il existe un fossé croissant et fondamental dans les conditions de travail des enseignants et enseignantes des zones urbaines et rurales, en particulier chez les jeunes ».

Ces derniers font face à une infrastructure éducative inexistante dans les zones reculées, selon elle. « La plupart de ces jeunes enseignants et enseignantes ne sont pas directement pris en charge, mais ils sont soutenus par leur famille. Ils doivent également trouver un autre emploi pour boucler leur fin de mois. »

Elle a également regretté que, souvent, « lorsque nous quittons le centre de formation des enseignants et enseignantes, nous soyons livrés à nous-mêmes. Il est important que des collègues plus expérimentés nous guident. »

Elle a souligné que l’affiliation à un syndicat n’est pas automatique et est mal perçu par le grand public. « C’est un vrai problème que l’affiliation syndicale ne soit plus automatique. Les gens parlent de corruption dans les syndicats. Le syndicalisme est directement associé à l’opposition au gouvernement, à l’autorité publique. La perception des autres importe et pèse lourdement sur le refus des travailleurs et travailleuses de se syndiquer. Il y a donc une pression de la part de la société, du gouvernement. Nous devrions revenir à une affiliation systématique et laisser les syndicats trouver des solutions pour mobiliser les gens au niveau local. »

Selon Ngo Djon, un autre problème se pose aux enseignant·e·s et surtout aux jeunes : l’absence de formation continue. « C’est la raison pour laquelle le projet du FES/FSM est si important. Et je ne m’attendais pas à la qualité de la formation que nous avons suivie grâce à lui ! »

Citant l’exemple d’une formation à la communication syndicale, elle a souligné que les enseignant·e·s du Cameroun manquent de connaissances et que leur fournir les savoirs adéquats est la première chose à faire.

« Dans mon école, les gens me regardent avec crainte, en raison de mon engagement syndical et de ma formation, mais ils viennent me voir pour un travail bien fait. Au niveau professionnel, on acquiert des connaissances, par exemple dans le domaine de la gestion des conflits. Au niveau syndical, lorsque je suis revenue de ma formation du programme FES/FSM, nous avons réussi à parler du syndicat, nous en avons discuté avec des personnes qui ont rejoint notre cause en utilisant l’outil de pouvoir de persuasion que j’avais appris. »

Depuis la formation, Ngo Djon a également été chargée par le Bureau exécutif de gérer le contenu du site Web et de la page Facebook de son syndicat. Elle veut désormais créer des profils Instagram et TikTok pour le syndicat, investir dans les réseaux sociaux afin de mobiliser les jeunes des zones rurales. Elle va également organiser et animer des ateliers pour expliquer ce qu’elle a appris pendant la formation FES/FSM.

Rejoindre un syndicat, avoir un ami avant d’en avoir besoin

À l’instar de Bernado et de Ngo Djon, Anthony Kennedy de la Jamaica Teachers’ Association (JTA) a bénéficié de la formation proposée par le projet FES/FSM.

« De nombreux jeunes enseignants et enseignantes ne parviennent pas à se hisser à des postes de direction et n’ont pas de possibilités de se développer », selon lui. « Nous avons besoin d’un changement de mentalité et les choses changent déjà lentement. Les capacités des jeunes enseignants et enseignantes ne sont pas utilisées comme elles le devraient. »

En campagne pour la présidence de la JTA, il a entendu « que j’étais trop jeune et que je devais attendre mon tour comme d’autres jeunes. Par ailleurs, les gens ne voient pas le travail et la contribution du corps enseignant à la société ».

Lors de sa campagne, son message était : « Je veux revitaliser le syndicat, donner une nouvelle image de l’association, changer le sens de ce qu’est un syndicat ».

Pour Kennedy, une campagne sur ce qu’est un syndicat est vraiment nécessaire, étant donné que les jeunes enseignant·e·s ne sont pas intéressé·e·s par les syndicats et que les informations n’atteignent pas les enseignant·e·s au niveau de la base syndicale.

Toutefois, il existe des possibilités, selon lui. « L’avenir nous sourit. Un élément majeur consiste à élaborer des stratégies organisationnelles. Les jeunes enseignants et enseignantes doivent faire entendre leur propre voix. »

Selon Kennedy, une manière de parler aux jeunes enseignant·e·s consiste à insister sur le fait que « vu la manière dont le gouvernement avance, vous allez avoir besoin d’un ami. Ayez un ami avant d’en avoir besoin. Rejoignez le syndicat, de sorte que, au moment où vous aurez besoin de quelqu’un pour vous aider à faire face à un événement qui s’est produit ou qui va survenir, vous ayez cet ami. »