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Hongrie : les enseignant∙e∙s obtiennent gain de cause en justice pour leur grève

Publié 2 août 2022 Mis à jour 3 août 2022

Le Syndicat des Enseignants de Hongrie (PSZ-SEH) et le Teachers' Democratic Union of Hungary (PDSZ), tous deux affiliés à l’Internationale de l’Éducation, ont vu leur grève organisée en janvier 2022 pour obtenir des augmentations salariales pour les enseignant∙e∙s et des travailleur∙euse∙s de l'éducation être reconnue comme légale par la Cour Suprême nationale.

À l'automne 2021, le comité de grève constitué par le PSZ-SEH et le PDSZ a négocié pendant des mois avec les représentant∙e∙s du gouvernement pour obtenir l’augmentation du salaire des enseignant∙e∙s et des travailleur∙euse∙s de l'éducation, sans arriver à faire accepter les revendications formulées.

Grève d’avertissement légale

Devant le fort mécontentement des salariés du secteur, les deux organisations ont décidé d’organiser le 31 janvier 2022 une grève d'avertissement de deux heures, à laquelle ont participé près de 27.000 travailleur∙euse∙s du secteur. Les grévistes ont mis des chemises à carreaux, symbole de protestation en Hongrie depuis la révolte des enseignants de 2016.

Si, la cour d’appel avait jugé la grève illégale, par la suite, au début du mois de juillet 2022, la Cour Suprême - appelée Curia en Hongrie - a considéré que la grève d’avertissement fut légale. « Son arrêt ne peut plus être attaqué en appel et cela prouve qu'il faut toujours utiliser tous les niveaux d’appel légale pour obtenir ce que nous voulons », a déclaré Zsuzsa Szabó, présidente du PSZ-SEH.

Large soutien dans la population

Le 31 janvier, la majorité de la société civile a soutenu les grévistes, la contre-propagande du gouvernement s’est avéré être inefficace, s’est-elle félicitée. Durant ces deux heures de grève, de 8 à 10 heures du matin, les parents n'ont pas amené leurs enfants à la maternelle ou à l’école. Une des confédérations syndicales a également organisé une manifestation en voiture dans la capitale pour soutenir les revendications des travailleur∙euse∙s de l'éducation.

Le gouvernement n’a néanmoins pas lâché prise, a regretté Szabó, car au mois de février d’autres restrictions ont été formulées pour empêcher la grève. Mais l’effet du règlement s’est avéré contraire aux attentes du gouvernement, la dirigeante du PSZ-SEH soulignant que, « plus que jamais dans l'histoire des grèves depuis le changement du régime de 1990 en Hongrie, près de 40.000 travailleuses et travailleurs ont participé à la grève illimitée commencée à partir du 16 mars 2022. En dépit des restrictions, de nombreux collègues ne sont pas retournés au travail pendant plusieurs jours pour faire comprendre que le droit à la grève était un droit fondamental des travailleuses et travailleurs. »

Puis, au seuil des élections législatives, au début du mois d’avril, le comité de grève a suspendu l’action syndicale pour éviter d’être accusé par le gouvernement d’une tentative d’influencer le résultat des élections. Le PSZ et le PDSZ ont déclaré leur intention de poursuivre les négociations avec le nouveau gouvernement, en vue d’organiser la grève, leurs revendications légitimes n'ayant pas été acceptées.

Le gouvernement hongrois sacrifie l'avenir de ses enfants

« Mais il semble que l'ancien-nouveau gouvernement Orbán n’a pas changé sa manière de gérer les choses », a expliqué Szabó. « L’objectif n’est toujours pas de trouver des solutions pour les problèmes fondamentaux de l'éducation, ce qui met ainsi en danger, voir sacrifie l'avenir des enfants et des étudiantes et étudiants. »

Pour elle, les jeunes ne veulent pas devenir enseignant∙e∙s à cause des salaires bien bas et les enseignant∙e∙s qualifié∙e∙s en début de carrière quittent le secteur.

Elle a également reconnu que la majorité des enseignant∙e∙s en Hongrie ont plus que 50 ans. L’effectif est en baisse et il y a toujours beaucoup plus d’enseignant∙e∙s qui vont à la retraite que de jeunes en début de carrière.

« À la maternelle, en primaire, ou dans les collèges, il manque dans le système éducatif d’ores et déjà 15.500 enseignantes et enseignants, alors, sous peu, il n'y aura plus personne pour enseigner aux élèves. Les droits des élèves sont fondamentalement violés : ils ne bénéficient pas d’une éducation de qualité, ce qui met en danger leur formation ultérieure et leur bien-être individuel (dans de nombreuses écoles sont ainsi recrutés des enseignantes et enseignants sans qualification, les remplacements ne sont pas assurés, il arrive qu’un professeur de musique remplace celui de mathématiques, etc.) », a-t-elle insisté.

Des salaires dans l’enseignement trop faibles

Actuellement, le salaire brut d'un∙e enseignant∙e en début de carrière (le supplément y compris) est de 312.000 florins hongrois (785 euros), soit 207.000 florins hongrois (520 euros) net. « C’est avilissant, c’est comme si l’enseignante ou l’enseignant recevrait un seul billet de 500 euros, ayant à rendre la monnaie. Avec un tel niveau de salaires, la profession n'est pas attrayante, les jeunes ne peuvent pas fonder une famille, n’obtiennent pas de crédit bancaire pour avoir un logement », a condamné Szabó.

Elle a continué en rapportant qu’en 2022 non plus, le gouvernement n'a pas augmenté les salaires de base, accordant seulement un supplément salarial sectoriel de 10 % et promettant la même chose pour les deux prochaines années. De plus, même cette augmentation dépend du résultat des négociations avec l'Union européenne, et, l'inflation montant en flèche, les salaires perdent régulièrement de leur valeur.

Par ailleurs, le salaire des enseignant∙e∙s ne représentant que 58 à 60 % du salaire moyen d’autres diplômé∙e∙s en Hongrie, le PSZ-SEH mène ses actions pour que ce rapport arrive à 90 %, car la charge de travail et le nombre d’heures de contact en classe sont d'une ampleur sans précédent.

Szabó a averti que « si aucune décision de fond n'est prise d'ici à la rentrée en septembre, davantage d'enseignantes et enseignants quitteront la profession en raison des salaires, ce qui nous amènera à l'effondrement de l'enseignement public ».