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Ghana : campagne contre la privatisation et la commercialisation de l’éducation

L’initiative de plusieurs syndicats de l’éducation vise à contrer la privatisation et ses effets néfastes sur l’éducation

Publié 25 octobre 2022 Mis à jour 30 novembre 2022

Faisant le point sur les résultats obtenus, les organisations membres de la Campagne contre la privatisation et la commercialisation de l’éducation (CAPCOE) ont déploré l’expansion de la privatisation de l’éducation — en particulier au niveau de l’enseignement fondamental — dans les zones reculées du Ghana, et salué le niveau de formation plus élevé des enseignant·e·s ainsi que la réduction du ratio élèves-enseignant·e. Elles ont également réitéré leur soutien à l’augmentation des investissements et à l’amélioration de la qualité de l’enseignement fondamental public, ainsi que leur volonté de décourager le recours à l’enseignement privé au niveau fondamental.

Aux côtés de la Coalition of Concerned Teachers (CCT-Gh) et des organisations de la société civile représentées par la Ghana National Education Campaign Coalition (GNECC), les affiliés nationaux de l’Internationale de l’Éducation, c’est-à-dire la Ghana National Association of Teachers (GNAT), la National Association of Graduate Teachers (NAGRAT) et le Teachers and Educational Workers' Union (TEWU), jouent un rôle actif au sein de la CAPCOE depuis sa création en 2016. En partenariat avec la Fondation Friedrich Ebert (FES) et l’Internationale de l’Éducation, la CAPCOE a maintenu une lutte inébranlable contre la privatisation en mettant l’accent sur l’éducation fondamentale. La FES et l’Internationale de l’Éducation apportent un soutien financier et technique.

Revendications de la CAPCOE

Les principaux objectifs de la CAPCOE sont les suivants :

  • Sensibiliser le public à l’augmentation rapide de la commercialisation de l’éducation et à ses dangers pour la société.
  • Préconiser l’arrêt de l’expansion du business de l’éducation au Ghana.
  • Plaider pour la révision des politiques et des lois qui sapent l’enseignement public.
  • Exiger l’application des politiques et des lois sur l’enseignement privé par le Ghana Education Service et les assemblées métropolitaines/municipales/de districts.
  • Exhorter le gouvernement à investir davantage dans l’enseignement public, notamment au niveau de l’enseignement fondamental.
  • Promouvoir le professionnalisme des enseignant·e·s et des travailleur·euse·s de l’éducation, en fournissant des ressources d’enseignement et d’apprentissage.
  • Garantir un accès équitable à un enseignement public de qualité.
  • Construire une alliance pour faire campagne contre la privatisation et la commercialisation de l’éducation au Ghana.

La CAPCOE a observé que la privatisation croissante de l’éducation de base empêchait les citoyen·ne·s à faibles revenus d’accéder à l’éducation fondamentale pour des raisons de coût ou d’accessibilité, en particulier dans les zones urbaines du Ghana, où il y a très peu d’écoles fondamentales publiques. Elle s’inquiète du fait que de telles situations empêchent la réalisation du droit constitutionnel à une éducation fondamentale gratuite — garanti par la Constitution nationale — et la réalisation des Objectifs de développement durable en matière d’éducation au Ghana.

Au cours des sept dernières années, le Ghana a connu une croissance des écoles à but lucratif et à bas prix (LFFPS, acronyme anglophone) dans le paysage éducatif, en particulier dans les zones urbaines. L’ International Finance Corporation estime que 40 % des écoles fondamentales privées du Ghana sont des écoles à bas prix, opérant dans des zones à faible revenu dans un environnement réglementaire complexe et avec peu de financement pour l’éducation et peu d’enseignant·e·s formé·e·s. En réponse, l’une des priorités de la CAPCOE a été de faire campagne contre l’émergence et la croissance des LFFPS, car ces écoles sont de nature improvisée, offrent une éducation de faible qualité dans des infrastructures médiocres et excluent les pauvres en raison des frais de scolarité.

En 2022, la CAPCOE a chargé le directeur exécutif d’Africa Education Watch, Kofi Asare, de réaliser une évaluation de l’impact des activités de la CAPCOE de 2015 à 2021. L’étude identifie les lacunes et formule des recommandations pour développer une nouvelle stratégie de plaidoyer afin de faire face aux défis de l’enseignement prétertiaire public au Ghana.

Lors d’une réunion de validation le 26 juillet, Kofi Asare a présenté le rapport préliminaire au groupe de travail technique de la CAPCOE.

Les succès et les défis restants de la CAPCOE

Le rapport reconnaît que la CAPCOE reste une force dans la lutte contre la commercialisation et la privatisation et dans le plaidoyer pour l’augmentation des investissements dans l’enseignement fondamental public au Ghana. Le rôle de la CAPCOE dans le rejet du projet Ghana Partnership Schools, par lequel le gouvernement cherchait à engager des acteurs non étatiques pour gérer les écoles fondamentales publiques, a été un succès important dans la campagne contre la commercialisation.

Malgré ses actions de plaidoyer politique, les LFFPS restent d’actualité dans les zones urbaines et rurales du Ghana. Le rapport observe que, pendant les sept années de plaidoyer de la CAPCOE, alors que les écoles privées ont augmenté de 60 %, les écoles fondamentales publiques n’ont augmenté que de 12 %. Il est inquiétant de constater que les LFFPS ont connu une croissance de 17 % par an, même dans les districts défavorisés, augmentant ainsi leur pertinence à l’échelle nationale. Cela est principalement dû à la baisse des investissements dans l’enseignement fondamental public, ce qui entraîne une croissance lente des écoles fondamentales publiques et limite l’accès, en particulier dans les zones urbaines et périurbaines, faisant des LFFPS la seule alternative pour accéder à l’éducation fondamentale dans les communautés mal desservies, a expliqué Asare.

Toutefois, le chercheur a noté que le plaidoyer de la CAPCOE en faveur de l’amélioration de la formation des enseignant·e·s afin de garantir leur qualité, leur professionnalisme et l’amélioration des résultats d’apprentissage a porté ses fruits, avec une augmentation du pourcentage moyen d’enseignant·e·s formé·e·s dans le système fondamental public, qui est passé de 62 % à 92 %, au niveau de l’école maternelle, de 75 % et 88 % au niveau de l’école primaire et de 96 % à 97 % au collègue.

L’augmentation de la formation des enseignant·e·s a également conduit au déploiement de plus de 120.000 enseignant·e·s supplémentaires, ce qui a permis de réduire le ratio élèves/enseignant·e de 35 à 27 au niveau de la maternelle, de 34 à 26 au niveau du fondamental et de 16 à 12 au niveau du collège. L’impact de ce déploiement accru d’enseignant·e·s n’a malheureusement pas été ressenti dans les classes urbaines où les infrastructures sont restées stagnantes. Par exemple, la taille moyenne des classes des écoles fondamentales dans la région du Grand Accra est de 50 élèves, et la taille moyenne des classes dans de nombreux districts est de 60 et plus.

Asare a souligné que la dépendance à l’égard du financement irrégulier basé sur l’activité et les lacunes dans la capacité des membres à apprécier les dynamiques émergentes dans le paysage de la commercialisation de l’éducation restent des défis clés qui doivent encore être surmontés pour que le plaidoyer de la CAPCOE ait un plus grand impact.

L’étude formule donc les recommandations suivantes :

  • L’élaboration d’une nouvelle stratégie de sensibilisation à moyen terme et de plans conformes aux questions émergentes dans le paysage de la commercialisation et au nouveau plan à moyen terme de développement (2022-2025) du ministère de l’Éducation.
  • Un financement régulier par projet pour le plan de plaidoyer à moyen terme.
  • Le renforcement des capacités des membres sur les questions émergentes liées à la commercialisation dans le secteur de l’éducation, tout en retravaillant la stratégie concernant l’engagement des médias et des partenaires.