Ei-iE

Mondes de l'éducation

#EI25 : « L’Internationale de l’Education et ses syndicats membres tissent un réseau de justice », par Masaki Okajima

Publié 25 septembre 2018 Mis à jour 25 septembre 2018
Écrit par:

Vous pensez peut-être qu'il y a une grande distance entre le mouvement syndical international et votre propre syndicat ou pays. Mais mon expérience en tant que membre du Bureau exécutif de l'IE a montré qu’il existait des liens étroits.

Le Japan Teachers’ Union(Syndicat japonais des enseignants-JTU) a été créé en 1947, peu après la fin de la seconde guerre mondiale. Les membres du JTU ont rompu avec l'éducation militariste et ont fondé l'enseignement sur le respect de la paix et de la démocratie. Depuis lors, nous nous sommes battus pour l'autonomie et la liberté vis-à-vis des autorités en matière d'éducation et d'éducateurs/trices.

Le JTU présente deux aspects, en tant que syndicat et organisation professionnelle. Nous exigeons une amélioration des salaires et des conditions de travail, ainsi que des politiques éducatives, et nous nous impliquons dans des recherches bénévoles sur les questions d’éducation. Dans le cadre de ces dernières, le JTU organise une Conférence nationale annuelle sur la recherche en éducation (NCER) depuis 1951. Des conférences similaires ont lieu dans chaque section et dans chaque préfecture. Ces assemblées choisissent des « rapporteurs/trices » pour les représenter à la conférence nationale du JTU. La NCER offre un espace pour discuter de dix sujets (langue japonaise, mathématiques, musique et autres) et de 14 questions éducatives (éducation aux droits humains, éducation à la paix, solidarité internationale, éducation à la diversité, etc.). Les participant(e)s ont des discussions basées sur des rapports au niveau local et les rapporteurs/trices retournent dans chaque école/section/préfecture avec ce qu'ils ont reçu à la NCER. C'est une opportunité précieuse pour nos membres de développer leur enseignement via l'apprentissage par les pairs.

Lorsque j'étais instituteur primaire, j'ai assisté au NCER en tant que rapporteur. Mon rapport portait sur mon expérience de collaboration avec la communauté locale et les parents afin de créer un comité directeur qui rassemblait des pétitions pour améliorer le salaire du personnel administratif et exigeait que des bibliothécaires soient affectés aux écoles. Cette expérience m'a appris l'importance d'une coopération fructueuse avec les parties prenantes.

Les autorités japonaises exercent de plus en plus de pression sur le système éducatif et les enseignant(e)s japonais(es) travaillent beaucoup plus longtemps, ce qui menace nos activités de recherche pédagogique et réduit les possibilités d’améliorer nos pratiques grâce à l’apprentissage par les pairs, comme cela se produit à la NCER du JTU. Ils exigent que les enseignant(e)s et le personnel de soutien à l’éducation (PSE) se concentrent sur la manière dont les enfants peuvent obtenir des scores élevés aux tests. Une éducation de qualité fondée sur la paix, les droits humains, l’environnement et la coopération a même été attaquée comme étant une « éducation politiquement biaisée ».

Dans le même temps, la charge de travail trop lourde et les horaires de travail excessifs des enseignant(e)s et des PSE sont considéré(e)s comme des problèmes sociaux dans leur ensemble. Comme l’a montré l’Enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce sont les enseignant(e)s japonais(es) qui travaillent le plus longtemps parmi les pays de l’OCDE, et ils/elles n’ont pas suffisamment de temps pour se préparer aux cours et à la recherche de matériel pédagogique. La charge de travail des enseignant(e)s et des PSE ne concerne pas uniquement les conditions de travail, mais affecte également l’apprentissage des enfants. Il est nécessaire de réduire les charges de travail, d’augmenter le nombre d’éducateurs/trices et de gérer les horaires de travail dans le respect de la loi pour résoudre ces problèmes. Relever ces défis permettrait aux éducateurs/trices de reprendre la recherche bénévole et de retrouver le respect de l'autonomie.

Malheureusement, des attaques contre l'autonomie professionnelle et les syndicats peuvent être constatées partout sur cette planète. Les difficultés auxquelles sont confrontés les éducateurs/trices japonais(es) en termes de charge de travail sont également liées aux pressions exercées au niveau mondial. Lors des réunions du Bureau exécutif de l'IE, nous partageons ces expériences et échangeons de bonnes pratiques.

Nous, les syndicats membres et l’Internationale de l’Education, (IE), avons accumulé de l'expérience et des succès. L'une des raisons pour lesquelles nous rassemblons et construisons le mouvement syndical international est de faire face à ces problèmes communs, devenus à la fois mondiaux et nationaux. Bien que nos progrès semblent modestes, ce que nous avons accompli ces 70 années (pour le JTU, et 25 pour l’IE) est énorme. L’IE a réussi à faire entendre sa voix dans le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’OCDE, à faire de l’Objectif de développement durable 4 un objectif éducatif indépendant pour la communauté internationale et à organiser des Sommets internationaux sur la profession enseignante avec l’OCDE. Cela signifie que l'IE a des méthodes viables et le pouvoir de s'assurer que nos voix sont entendues.

Notre pouvoir en tant que famille de l'IE peut être encore renforcé par un meilleur lien entre les activités internationales et nationales. Ce processus peut être décrit comme tisser un réseau de justice entre l'IE et les syndicats membres. Ensemble, nous pouvons faire une grande différence pour une éducation inclusive, gratuite et de qualité pour tou(te)s.

Le 26 janvier 1993, l’Internationale de l’Education naît de la fusion de la Fédération Internationale des syndicats libres (IFFTU) et de la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (WCOTP). A l’occasion de son 25e anniversaire, une série spéciale de blogues #IE25, sera publiée tout au long de l’année. Elle mettra en avant les voix et réflexions de syndicalistes, militant(e)s de l’éducation, organisations partenaires et ami(e)s, revenant sur les combats et accomplissements passés dont l’organisation a tiré force et inspiration en vue de s’attaquer aux défis présents et futurs auxquels sont confrontées l’éducation et la profession enseignante. Si vous souhaitez contribuer à cette série de blogues, veuillez écrire à sonia.grigt@ei-ie.org.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.