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Madagascar : un syndicat d’enseignants fait remonter aux autorités publiques les doléances et suggestions des éducateur∙trice∙s

Publié 28 septembre 2020 Mis à jour 13 octobre 2023

Avec l’aide du Fonds de solidarité COVID-19 de l’Internationale de l’Éducation, la Fédération chrétienne des enseignants et employés de l’Éducation (FEKRIMPAMA) a pu aller à la rencontre des enseignant∙e∙s malgaches. La pandémie a dégradé brusquement leur niveau de vie et mis l’accent sur l’inexistence de sécurité sociale et sanitaire de tous les acteurs de l’éducation. La FEKRIMPAMA a fait remonter au gouvernement leurs demandes et suggestions en vue d’assurer une éducation de qualité et des conditions de sécurité et de santé optimale dans les écoles du pays.

Activités syndicales d’information auprès des éducateur∙trice∙s

Du 27 juillet au 11 septembre, la FEKRIMPAMA a effectué une sensibilisation sur la lutte contre la pandémie de COVID-19, a expliqué Constant Andrianatrehy Marolaza, secrétaire général de l’organisation.

Les équipes du Bureau fédéral ont effectué des activités en ce sens dans neuf régions du pays, à savoir des enquêtes sur les situations des enseignant∙e∙s durant la période de cette pandémie ainsi que l’épanouissement de la FEKRIMPAMA au niveau de base.

Parmi les problèmes majeurs récurrents mentionnées par les enseignant∙e∙s à la base figurent :

  • Comment gérer la nouvelle année scolaire qui se commencera le 28 octobre avec la pandémie de COVID-19 ?
  • Comment réaliser notre travail et comment vivre avec la COVID-19 - par exemple, avec un lavage fréquemment des mains avec de l’eau propre et du savon, alors que les points d’eau n’existent même pas dans certaines écoles ?
  • Comment respecter la distanciation sociale quand les tables et les bancs sont en quantité insuffisante dans de nombreuses écoles ?

À la suite de ses enquêtes effectuées dans les différentes régions visitées, la FEKRIMPAMA a pu constater que la plupart des enseignant∙e∙s et personnels de soutien à l’éducation se sont senti∙e∙s délaissé∙e∙s et oublié∙e∙s par l’Etat en ce qui concerne les équipements de protection individuelle et les aides sociales en nature ou en espèce – surtout les enseignant∙e∙s non gouvernementaux∙ales des écoles privées.

Aussi, durant cette période de pandémie, beaucoup d’enseignant∙e∙s des écoles privées ont été mis en chômage technique sans percevoir leurs salaires ou rémunérations. Les enseignant∙e∙s FRAM – contractuel∙le∙s payé∙e∙s par des parents d’élèves – ont eux∙elles été délaissé∙e∙s, et les enseignant∙e∙s non-fonctionnaires subventionné∙e∙s par l’État n’ont bénéficié d’aucune subvention.

« Nous pouvons dire que ces enseignant∙e∙s sont parmi les plus vulnérables. Cela peut soulever la fragilité de ces enseignants et leurs familles en matière de santé », a regretté Andrianatrehy Marolaza.

De même, il a insisté sur le fait que l’existence d’effectifs pléthoriques en salles de classe reste toujours un handicap majeur pour la reprise des cours : manque et insuffisance en nombre d’enseignant∙e∙s, de salles de classes et d’autres infrastructures comme les latrines et les points d’eau.

En outre, aucune formation et instruction concernant la contamination, la propagation et la lutte contre la pandémie de COVID-19 n’a été donnée aux enseignant∙e∙s, à part de celles que FEKRIMPMA a données et celles passées via les médias.

Grâce au financement du Fonds de solidarité COVID-19, la FEKRIMPAMA a pu organiser 27 séminaires, 1.215 enseignant∙e∙s et personnels de soutien à l’éducation ont ainsi déjà été formé∙e∙s, et 1.680 enseignant∙e∙s ont répondu à leurs enquêtes.

Elle a aussi confectionné 1.023 affiches et a réalisé déjà cinq supports audiovisuels, déjà diffusés sur les radios et télévisions nationale et locales.

Revenant sur les résultats obtenus, Andrianatrehy Marolaza a souligné que les enseignant∙e∙s et les personnels de soutien à l’éducation sont vraiment intéressé∙e∙s et espèrent la continuité de ce projet, parce que les responsables du ministère, n’ont pris l’initiative de les former et sensibiliser face à la pandémie.

« Ce qui ressortait vraiment sur ce projet est l’opportunité de notre syndicat de rentrer en contact direct avec nos membres de base, et de les réconforter face à cette période difficile de pandémie que nous avons rencontrée. Nous avons enregistré 216 nouveaux membres lors de nos visites dans les régions et nous espérons que ceci augmente lors des prochaines activités », a indiqué le dirigeant de la FEKRIMPAMA.

Il a ajouté que « l’objectif de la couverture médiatique est la visibilité du syndicat pour qu’il puisse s’accroître. Cela facilite le recrutement des nouveaux membres, surtout en cette période de la pandémie. L’utilisation des différents réseaux nous aide beaucoup à sensibiliser nos adhérents et sympathisants à notre existence et nos actions. »

Il a également expliqué que « « cette activité est une opportunité pour notre syndicat de s’épanouir, et elle nous donne un nouvel élan pour l’avenir et la survie de notre syndicat. De plus, elle nous a donné beaucoup de leçons pour nos prochaines activités – formations, séminaires, émissions audiovisuelles et plaidoyer auprès des autorités compétentes ministérielles et politiques. »

Selon lui, la FEKRIMPAMA doit contribuer à la préparation de la prochaine rentrée scolaire, « pour l’apaisement des troubles psychologiques et moraux des élèves et des enseignants et enseignantes face à la COVID-19. »

Recommandations syndicales aux autorités publiques

Il a ensuite mis en avant le fait que, à la suite de ces activités et constatations, la FEKRIMPAMA, en tant que syndicat prônant la santé et la sécurité sociale, la formation et le travail décent des enseignants a avancé des recommandations pour la réouverture des établissements scolaires (publics et privés), recommandations que l’État malgache devrait prendre en considération.

Parmi les mesures immédiates prônées, déterminées par l’intérêt des enfants et des considérations de santé publique, figurent notamment :

  • Mettre sur pied des formations professionnelles nécessaires, tout comme l’élaboration et l’organisation d’un dialogue social et politique entre les ministères concernés, les syndicats de l’éducation et les parents d’élèves, pour éviter le va-et-vient entre reprise et suspension des cours et instaurer un climat de confiance pour garantir la sécurité sanitaire des élèves afin de dresser un calendrier consensuel pour les dates d’examens officiels et reprises des cours de toutes les classes. D’où le slogan : « Planifions bien, sauvons des vies ».
  • Promouvoir des services de sécurité sociale et sanitaire dans les écoles selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé.
  • Passer au test collectif pour diagnostiquer et éviter la propagation rapide de la pandémie, éviter toutes formes de souci liés à des cas suspects, encourager moralement les élèves et fournir des équipements de protection individuelle durables pour les élèves, les enseignant∙e∙s et tou∙te∙s les travailleur∙euse∙s de l’éducation.
  • Établir une politique transversale pour les ministères concernés, et établir un dialogue pour conscientiser les parents d’élèves à leurs responsabilités et devoirs envers leurs enfants.
  • Former et soutenir les enseignant∙e∙s et tou∙te∙s les acteur∙trice∙s de l’éducation sur la pédagogie adoptée à la COVID-19.
  • Recruter davantage d’enseignant∙e∙s pour rattraper le temps perdu – 5 mois – de façon à soutenir l’enseignement et l’apprentissage intensifs attendus.

« En l’absence de toutes ces mesures, il n’est pas encore le moment opportun de rouvrir les écoles », a déclaré Andrianatrehy Marolaza. « La FEKRIMPAMA se bat pleinement pour que les enfants, les jeunes malagasy, et les enseignants et enseignantes ne soient pas sacrifiés. »

Parmi les recommandations à long terme du syndicat se trouvent :

  • Au vu de l’insuffisance du nombre d’enseignant∙e∙s fonctionnaires, recruter massivement, environ 20.000 par an, en éliminant le système contractuel des « enseignant∙e∙s FRAM et ENF ».
  • Pour les enseignant∙e∙s des écoles privées, rétablir le système de contrat à durée indéterminée et les adhérer à la Caisse nationale de prévoyance sociale pour leur sécurité sociale et professionnelle.
  • Revaloriser et reconsidérer la valeur et les apports sociaux, culturels et professionnels des enseignant∙e∙s, spécialement en appliquant strictement les articles de la Recommandation Organisation internationale du Travail/UNESCO du 5 octobre 1966 concernant la condition du personnel enseignant.
  • Construire des salles de classes pour éviter des effectifs pléthoriques (au plus 45 élèves par salle de classe) et des installations aux conditions d’hygiène et d’assainissement d’eau appropriées pour chaque établissement dans toute l’île.
  • Créer une plateforme regroupant au moins le ministère de la Santé publique, le ministère de l’Éducation nationale, Le ministère de la Population et le ministère de la Culture et de la Communication, se substituant au Centre de commandement opérationnel de la COVID-19. Cette plateforme diffusera toutes directives ou instructions à suivre pour pailler l’impact négatif de cette pandémie dans le domaine de l’éducation.
  • Pour effacer les lacunes laissées par la COVID-19 sur les connaissances des élèves, étant donné le non-achèvement des programmes scolaires pour toutes les classes intermédiaires dû à la longue durée de l’arrêt des cours et à des grandes vacances prolongées, il faut motiver les enseignant∙e∙s en appliquant un système d’heures supplémentaires ou complémentaires.

Toutes ces mesures et suggestions ne peuvent être réalisées sans élaborer un dialogue politique entre le ministère et tous les acteurs de l’éducation, a expliqué Andrianatrehy Marolaza. Ainsi, il estime nécessaire d’organiser une « Conférence Technique de l’Education » après le déconfinement.