Ei-iE

Exposed: Collusion and Cover-Up — A World Bank and Bridge International Academies Scandal
Exposed: Collusion and Cover-Up — A World Bank and Bridge International Academies Scandal

Collusion et dissimulation - Le scandale de la Banque mondiale et des Bridge International Academies

Publié 21 mars 2024 Mis à jour 11 avril 2024

Après une pression publique croissante, un rapport interne critique et une enquête en cours menée par des membres du Congrès américain, le Groupe de la Banque mondiale a reconnu qu’il n’avait « pas suivi le protocole » et que « des enfants avaient été blessés » dans le cadre de sa collaboration avec les Bridge International Academies (BIA).

L’aveu stupéfiant du Président de la Banque mondiale, Ajay Banga, est intervenu en réponse à de graves allégations d’abus sexuels sur des enfants et de violations des mesures de santé, de travail et de sécurité dans les écoles Bridge, qui ont été détaillées dans un rapport du conseiller-médiateur de la Banque mondiale (CAO), à la suite d’une plainte déposée au nom de parents et d’enseignant·e·s.

En réponse aux révélations du CAO, l’Internationale de l’Éducation (IE) a demandé des enquêtes immédiates et indépendantes afin que toutes les parties responsables répondent de leurs actes et que les victimes soient indemnisées.

« Il est impératif que les responsables, y compris Bridge International Academies et ses soutiens financiers, soient tenus pour responsables, et puissent contribuer à la compensation nécessaire pour les enfants abusés et les travailleurs exploités. Nous demandons instamment à la Banque mondiale de créer un fonds pour réparer les préjudices subis par les survivants d’abus sexuels pendant la période où elle a soutenu les écoles Bridge », a déclaré David Edwards, secrétaire général de l’IE. « Les opérateurs à but lucratif comme BIA n’ont pas leur place dans l’éducation. Ils entravent notre mission collective visant à garantir le droit de chaque enfant à une éducation gratuite et de qualité », a-t-il ajouté.

L’affaire découle d’une plainte déposée en 2018 contre la Société financière internationale (SFI), la branche du secteur privé du groupe de la Banque mondiale, au sujet des écoles Bridge opérant au Kenya. Avec un investissement de 13,5 millions de dollars entre 2014 et 2022, le soutien de la SFI a permis l’expansion de Bridge au Kenya, en Ouganda, au Libéria, au Nigéria et en Inde, concernant ainsi des milliers d’étudiant·e·s.

L’enquête du CAO récemment publiée accuse la SFI d’avoir fait preuve d’une diligence environnementale et sociale « déficiente », n’ayant pas identifié ou évalué les risques d’abus pédosexuels. Le rapport recommande à la fois des mesures correctives pour les survivant∙e∙s dans le cadre de projets spécifiques et des améliorations au niveau institutionnel afin d’éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir.

Les conclusions du CAO révèlent également que la SFI et Bridge ont tenté de faire activement obstruction à l’enquête. Cette stratégie de dissimulation, révélée par une série de rapports d’enquête de The Intercept, comprenait des plans visant à discréditer l’enquêteur principal du CAO et à publier un faux rapport pour contrer la publicité négative potentielle.

Selon une lettre adressée par Maxine Waters, membre du Congrès des États-Unis, au Secrétaire américain au Trésor, « au lieu de faire tout ce qui est en son pouvoir pour s’assurer que Bridge verse une indemnisation directe aux victimes d’abus sexuels, il a été rapporté que le personnel de la SFI et les dirigeants de Bridge ont conspiré pour retarder la dénonciation des abus, car ils craignaient qu’une telle dénonciation, selon les dirigeants de Bridge, “effraie les investisseurs”, alors que la société tentait de lever des fonds. »

L’expérience de « l’académie en boîte »

L’histoire de Bridge International Academies a commencé en 2009 dans les bidonvilles de Nairobi, au Kenya, avec un groupe d’investisseurs ayant pour ambition de créer la plus grande chaîne d’enseignement primaire à but lucratif au monde.

Au cœur de son modèle « d’académie en boîte » se trouvait une pratique controversée : l’emploi d’un personnel non formé pour réduire les coûts. Cette approche, qui s’appuie fortement sur un programme d’études diffusé par le biais de tablettes, a rapidement soulevé des questions quant à la qualité de l’enseignement, à son accessibilité et à son coût pour les enfants issus de familles à faibles revenus en Afrique et en Asie.

Une étude menée par l’Internationale de l’Éducation et le Syndicat national des enseignant∙e∙s (National Union of Teachers) du Kenya a révélé de graves lacunes dans le modèle Bridge au Kenya, notamment son recours à un personnel non qualifié et un programme d’études rigide et non local, ce qui compromet l’accessibilité et la qualité de l’éducation pour les plus défavorisé∙e∙s. De même, des inquiétudes ont été exprimées au sujet d’écoles en Ouganda, où une directive gouvernementale a entraîné la fermeture d’écoles de la BIA en octobre 2016 pour non-respect des normes nationales et pour « manque d’hygiène qui mettait en danger la vie et la sécurité des écoliers ».

Malgré ces préoccupations, les écoles Bridge ont reçu des investissements importants de la part de personnalités et d’organisations telles que Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, la Fondation Bill et Melinda Gates, Pearson Ltd. et le ministère britannique du Développement.

L’Internationale de l’Éducation et ses organisations membres n’ont cessé de dénoncer Bridge et ses opérations et ont contacté la Banque mondiale et les principaux soutiens de Bridge. L’IE a exhorté les donateurs à reconsidérer leur soutien financier à la lumière des pratiques de la BIA, en soulignant, entre autres, la négligence et le mépris des normes éducatives et juridiques nationales, l’emploi de personnel non qualifié et l’imposition de frais qui sapent le droit à une éducation de qualité pour tous les enfants.

La présidente de l’Internationale de l’Éducation, Susan Hopgood, a souligné l’engagement de longue date de l’IE à s’opposer aux modèles éducatifs axés sur le profit qui exploitent les communautés vulnérables et sapent le droit à un enseignement public gratuit et de qualité pour tou·te·s. « Le modèle de Bridge fragilise les normes professionnelles et les qualifications des enseignantes et enseignants, qui sont fondamentales pour une éducation de qualité. Cette affaire est un appel à l’action pour renforcer les fondements des systèmes d’enseignement public, afin que chaque enfant, quel que soit son milieu socio-économique, ait accès à une éducation gratuite et de qualité dispensée par des enseignantes et enseignants formés et qualifiés. Il faut que tous les gouvernements, les organisations intergouvernementales et les institutions financières internationales s’engagent à investir dans les enseignantes et enseignants et à financer intégralement l’enseignement public. »

Pour en savoir plus sur les activités de Bridge International Academies en Ouganda, au Kenya, au Libéria et au Nigéria, veuillez consulter : What do we really know about Bridge International Academies ? a summary of research findings (Riep, C., 2019). En outre, la correspondance de l’Internationale de l’Éducation à la Banque mondiale, exhortant l’organisation à mettre fin à son soutien financier à Bridge International Academies, est disponible ici.