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Nigeria : le syndicat de l’éducation et le gouvernement passent à la vitesse supérieure pour investir dans l’enseignement public

Publié 17 septembre 2024 Mis à jour 18 septembre 2024

Le syndicat de l’éducation du Nigeria (NUT) a procédé au lancement national de la campagne de l’Internationale de l’Éducation (IE) « La force du public : ensemble on fait école ! » – un pas décisif pour le renforcement du secteur éducatif dans le pays. Cette initiative vise à mobiliser un financement accru en faveur de l’enseignement public et de son personnel, tout en remédiant au sous-financement chronique qui affecte le secteur depuis des années.

La recherche d’un consensus pour l’enseignement public

La campagne a été inaugurée lors d’un atelier de renforcement des capacités tenu le 12 septembre 2024, qui a rassemblé une centaine de participant·e·s, parmi lesquel·le·s le président national du NUT, les secrétaires régionaux·ales ainsi que d’autres parties prenantes essentielles. L’atelier avait principalement vocation à donner aux dirigeant·e·s du NUT les moyens de plaider contre l’influence croissante des acteurs non étatiques dans l’éducation, qui poursuivent un objectif de marchandisation de l’éducation dans un but lucratif.

L’événement visait également à établir un consensus parmi les parties prenantes et à mobiliser le soutien en faveur de l’enseignement public. Il a permis de mettre en lumière la nécessité de réformes politiques en vue d’assurer à tou·te·s une éducation de qualité gratuite, inclusive et équitable. Le ministre nigérian de l’Éducation, Tahir Mamman, a souligné l’importance d’investir dans le développement professionnel des enseignant·e·s et d’engager un dialogue social avec le NUT dans une perspective de renforcement du système éducatif. « L’avenir de l’Afrique dépend de vous, les enseignantes et enseignants, et d’un système éducatif accessible et financé par les fonds publics. Nous allons nous associer au NUT, au Bureau régional africain de l’Internationale de l’Éducation (IEA) et à l’IE pour nous attaquer à des problématiques telles que l’organisation et la condition des enseignantes et enseignants ou encore la pénurie de personnel, et parvenir à un enseignement public de qualité, » a déclaré le ministre.

Situation du secteur de l’éducation au Nigeria

Le Président national du NUT, Audu Titus Amba, a insisté sur la situation désastreuse dans laquelle se trouve le secteur de l’éducation au Nigeria, en particulier en ce qui concerne l’éducation de base. Il a souligné le fait que les crédits budgétaires alloués à l’éducation ont toujours été en deçà des critères appliqués à l’échelle internationale, avec plus de 18 millions d’enfants non scolarisés et une pénurie importante d’enseignant·e·s. Au fil des ans, les crédits alloués à l’éducation sont restés « très insuffisants » par rapport critères recommandés à l’échelle internationale, à savoir de 4 à 6 pour cent du produit intérieur brut (PIB) et/ou au moins 15 à 20 pour cent du budget national, a-t-il déclaré.

Amba a également fait observer la privatisation croissante de l’éducation, qui compromet l’objectif consistant à assurer une éducation de base gratuite et universelle. « Les institutions financières internationales et les partenaires de développement encouragent le regain d’activité des acteurs non étatiques dans l’éducation, qui profite également de l’incapacité du gouvernement à réglementer les opérations de ces prestataires privés à but lucratif. »

« Investissons dans l’enseignement public et le bien-être des enseignantes et enseignants pour améliorer leur rémunération et leurs conditions de travail et pour leur donner les moyens de continuer à exercer le métier qu’ils ou elles ont choisi. Ensemble, soutenons les enseignantes et enseignants, apprécions-les à leur juste valeur et respectons-les. Car ce sont ces professionnels qui façonnent l’avenir de l’humanité, transforment la société et génèrent un impact positif sur notre monde, » a-t-il conclu.

Soutien international et recommandations

L’atelier s’est félicité de l’accent mis par la communauté internationale sur la transformation de l’éducation en vue d’atteindre l’objectif de développement durable 4, qui appelle à une éducation de qualité gratuite, inclusive et équitable pour tou·te·s. Le Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante a formulé 59 recommandations à travers lesquelles il exhorte les gouvernements à assurer un financement équitable de l’éducation et un investissement durable dans la profession enseignante, a souligné le dirigeant du NUT.

Le rôle des enseignant·e·s

Dennis Sinyolo, directeur du Bureau régional africain de l’IE, a rappelé que l’éducation est un droit humain fondamental et un bien public et a souligné la nécessité pour les enseignant·e·s d’être au cœur de toute nouvelle stratégie éducative, dès lors que la qualité du système éducatif d’un pays est directement liée à la qualité de ses enseignant·e·s.

Reconnaissant qu’« il est primordial que nos gouvernements prennent des mesures législatives, financières et autres concrètes pour mettre fin à la privatisation et à la commercialisation de l’éducation » et que « les gouvernements du Kenya et de l’Ouganda ont pris des mesures et réussi à limiter les activités de Bridge », il s’est déclaré convaincu de « la possibilité de faire de même, et plus encore, ici au Nigeria ».

M. Sinyolo a également mentionné l’appel lancé par l’IE, à travers sa campagne « La force du public : ensemble on fait école ! », pour inciter les gouvernements africains à investir dans l’éducation, dans les enseignant·e·s, dans les infrastructures éducatives et dans les ressources pédagogiques : « Nous appelons à une école publique de qualité pour l’ensemble des enfants d’Afrique et du Nigéria. Une école où chaque enfant puisse être suivi par un enseignant hautement qualifié, formé à son métier, fiable et bien soutenu, bénéficiant d’un salaire et de conditions de travail décents, dans une école saine et suffisamment dotée en ressources qui accompagne chaque enfant et chaque jeune afin de lui permettre d’exploiter pleinement son potentiel. »

Insistant sur la nécessité de diffuser la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! » dans tout le Nigeria, il a rappelé que l’IE avait préparé une boîte à outils destinée à aider ses organisations membres à mieux comprendre et diffuser ces recommandations : Mettre en œuvre les Recommandations du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante – Guide à l’usage des syndicats de l’éducation.

M. Sinyolo a en outre souligné l’importance d’adopter des méthodologies d’enseignement modernes fondées sur la technologie tout en assurant une utilisation éthique de l’intelligence artificielle dans l’éducation. « En tant qu’éducatrices et éducateurs, nous devrions abandonner le traditionnel tableau noir pour des solutions numériques tactiles. Cependant, la technologie ne peut se substituer aux enseignantes et enseignants, pas plus que l’apprentissage en ligne ne peut remplacer l’enseignement et l’apprentissage en personne à l’école. La pandémie de COVID-19 a prouvé au-delà de tout doute raisonnable que les enseignantes et enseignants et les écoles sont indispensables. »

Un appel à l’action collective

La direction du NUT, aux côtés des parties prenantes nigérianes de l’éducation, est désormais chargée d’assurer la bonne mise en œuvre des objectifs de la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! ». Alors que le Nigeria reste aux prises avec les défis auxquels se heurte son secteur éducatif, la campagne représente une étape cruciale vers un avenir meilleur pour les enfants du pays. En investissant dans l’enseignement public et en soutenant les enseignant·e·s, le Nigeria peut garantir à chaque enfant l’accès à une éducation de qualité et la possibilité de réaliser son plein potentiel.