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Palestine : renforcer l’autonomie des enseignantes

Publié 12 octobre 2023 Mis à jour 17 octobre 2023

Le Syndicat général des enseignant·e·s palestinien·ne·s (GUPT, acronyme anglophone) a placé l’égalité des genres au cœur de ses priorités, en organisant des sessions de formation pour les femmes membres autour du thème « La pleine participation des femmes et des filles dans la société : Les femmes palestiniennes profitent-elles des avantages de l’éducation de la même manière que le reste du monde ? ».

(Note de l’éditeur : cet article et les activités décrites ont été rédigés avant la dernière escalade de violence dans la région. Ces derniers jours, le GUPT a rapporté que de nombreux enseignant·e·s ont été tué·e·s à Gaza et que des écoles ont été détruites. L’accès à l’eau, à l’électricité, au carburant et à la nourriture a été coupé dans leurs communautés. L’Internationale de l’Éducation appelle à une cessation immédiate de la violence et à une paix négociée à long terme).

Des femmes instruites, mais sans accès ni représentation

Près de 200 enseignantes de Jérusalem, de Cisjordanie et de la bande de Gaza ont participé à la formation pendant l’été 2023.

« Les femmes palestiniennes continuent de figurer parmi les femmes les plus instruites de la région Moyen-Orient–Afrique du Nord (MENA). Si la participation des femmes à la vie académique est effectivement mesurable, elles ne récoltent pas les fruits de l’éducation. Les femmes palestiniennes, en particulier les femmes palestiniennes instruites, sont négligées et sous-représentées dans la société palestinienne », explique Dalila El Barhmi, coordinatrice de l’Internationale de l’Éducation (IE) pour les pays arabes.

« Les indicateurs actuels révèlent que l’accès à l’éducation n’a pas amélioré de manière significative le statut des femmes dans la société palestinienne. Il est donc impératif de tirer parti de l’éducation et des compétences des femmes palestiniennes dans la société, non seulement en tant que droit social, mais aussi en tant que nécessité de développement », a-t-elle ajouté.

Le pourcentage de femmes instruites en Palestine est l’un des plus élevés au monde, avec un taux de 99,6 % en 2020 pour l’achèvement des études primaires et secondaires supérieures, mais « alors que les femmes palestiniennes ont toujours été visibles dans la lutte nationale, elles ont peu de possibilités de leadership et de prise de décision. Leur participation à la société civile et au gouvernement officiel est limitée », a ajouté Mme El Barhmi.

Aux postes de décision, les femmes ne représentent que 8,3 % de l’ensemble des ministres, 0 % des représentants ministériels et 6 % des assistants des représentants ministériels. Dans tous les ministères, les femmes représentent 30 % du personnel. Au ministère des Affaires féminines, les femmes sont majoritaires, avec 68,1 %, ce qui n’est pas un indicateur encourageant, a poursuivi Mme El Barhmi.

Pour elle, les syndicats de l’éducation montrent l’exemple en se concentrant sur l’éducation des générations futures, en particulier des filles, « comme une forme de protestation, de résistance au conflit qui sévit dans le pays et dans la région arabe, aux déplacements et aux bouleversements ». L’éducation des femmes et des filles a donc prospéré ces dernières années.

La crise de la COVID-19, un catalyseur pour la transformation des syndicats de l’éducation

Le GUPT, qui est le plus grand syndicat de Palestine, souhaite disposer d’un syndicat véritablement représentatif et intégrer les femmes éducatrices dans les structures décisionnelles du syndicat.

Pendant la pandémie de COVID, le GUPT a continué à s’engager dans le dialogue social avec le gouvernement, à lutter pour des conditions de travail décentes et le bien-être des enseignant·e·s et du personnel éducatif, et a entamé un processus de transformation syndicale pour mieux refléter les réalités du 21e siècle.

« Le syndicat s’est rapidement mis à l’apprentissage à distance, il a développé des programmes en ligne, formé des enseignantes à distance et soutenu les étudiantes afin de réduire les inégalités entre les apprenantes et les apprenants », a souligné la coordinatrice de l’IE.

Le syndicat a veillé à ce que la transformation s’attaque également à la discrimination et renforce la participation des femmes dans l’éducation, les syndicats et la société.

« Ce processus a permis de renforcer le leadership des femmes au sein des structures syndicales », a ajouté Mme El Barhmi.

Des mots à l’action : mécanismes mis en place pour renforcer la participation des éducatrices

Avec le soutien d’organisations sœurs internationales, le GUPT a développé sa propre stratégie pour promouvoir la participation et le leadership des femmes au sein du syndicat et dans l’éducation. Les objectifs du GUPT sont les suivants :

  • Augmenter le nombre de femmes dans les principaux organes de direction et de prise de décision des syndicats aux niveaux régional et national, grâce à des formations de développement des capacités sur le leadership des femmes. Ils ont également introduit des politiques telles que les quotas de genre et alloué un budget à leurs programmes d’équité entre les genres.
  • Activer leur Comité des femmes et donner la priorité au recrutement de jeunes enseignantes.
  • Identifier et lever les obstacles à la participation des femmes à la direction des syndicats et aux processus de prise de décision.

Le syndicat collabore également avec le ministère de l’Éducation pour réviser les manuels scolaires, « afin que la discrimination fondée sur le genre ne soit pas intrinsèquement inscrite dans les programmes ». Le GUPT organise également des formations pour les éducateur·trice·s afin d’éviter la perpétuation de stéréotypes discriminatoires en classe.

Il est important pour le GUPT de garantir le droit à l’éducation pour tou·te· s les étudiant·e·s palestinien·ne·s, en particulier les filles, et il demande que l’enseignement et l’apprentissage se déroulent dans des environnements de qualité. « Cela signifie également que les étudiantes et étudiants, les éducatrices et éducateurs et les écoles doivent être à l’abri des attaques : ils doivent être protégés des menaces intentionnelles ou de l’usage de la force pour des raisons politiques, militaires, idéologiques, ethniques, religieuses ou criminelles. Tout doit être mis en œuvre pour éradiquer les différents types de violence qui se produisent trop fréquemment dans et autour des établissements d’enseignement. »

Ce projet a été mis en place par un consortium composé de l’IE, du GUPT, de l’Association nationale de l’Éducation (NEA, acronyme anglophone)/États-Unis d’Amérique, du Syndicat national de l’Éducation (NEU, acronyme anglophone)/Royaume-Uni et du Syndicat de l’Éducation de Norvège (UEN, acronyme anglophone).

Les personnes formées deviennent formateur·trice·s

« Le GUPT a pour objectif d’autonomiser les femmes — en particulier les enseignantes — en leur apportant les connaissances et l’expérience nécessaires, en renforçant la confiance en soi, en soutenant les initiatives, en appréciant la créativité et en assurant la justice et l’égalité des chances », a également reconnu Nada Mohammad Alashqar, ingénieure en électricité, enseignante passionnée d’informatique et formatrice en e-learning, qui a bénéficié de la première phase de la formation du GUPT et qui est aujourd’hui elle-même formatrice.

Les formateur·trice·s sont des enseignant·e·s expérimenté·e·s, des employé·e·s du ministère de l’Éducation, des membres du GUPT et des expert·e·s en syndicalisme de Palestine et d’autres pays de la région comme le Liban. Les sujets abordés sont notamment les suivants :

  • Les Comité des femmes du GUPT : création, rôles, réalisations, vision et défis.
  • Concepts de genre : définition du genre, analyse, évaluation, égalité, équité, intégration, alignement, violence fondée sur le genre et autonomisation.
  • Politiques palestiniennes en matière d’égalité entre les hommes et les femmes : quelles sont les politiques appliquées sur le lieu de travail, dans les écoles et les universités, et même à la maison et dans la famille. Quelles sont les politiques qui doivent être appliquées et celles qui doivent être améliorées.
  • Le genre dans le programme scolaire : le programme scolaire tient-il compte du concept de genre ? Les enseignant·e·s ont été invité·e·s à rechercher dans les manuels scolaires qu’ils utilisent si les exercices et les questions étaient posés en fonction du concept de genre.
  • Les femmes en tant que dirigeantes et décideuses au sein du GUPT. Dès le début, la formation a été conçue pour aider les enseignantes en général et les nouvelles enseignantes en particulier à jouer un rôle de premier plan dans le GUPT et à devenir des décideuses.

Étant donné qu’une enseignante ne peut jouer un rôle de premier plan que si elle est également experte et au fait de l’évolution rapide des méthodes et des plateformes d’enseignement, la formation a également abordé l’aspect des compétences techniques et des stratégies d’apprentissage en ligne, a déclaré Mme Alashqar.

« Nous espérons que la récente explosion de violence dans la région, que nous condamnons fermement, ne sapera pas le travail accompli et ne mettra pas fin à ce programme syndical réussi, dans l’intérêt des femmes palestiniennes et de leur système éducatif, et pour le rétablissement de la paix », a conclu Mme El Barhmi.