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Mondes de l'éducation

Reconnaître la pénurie de personnels enseignants en Norvège : une étape essentielle pour y remédier

Publié 26 juin 2024 Mis à jour 27 juin 2024
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Depuis des années, nous nous battons pour que la pénurie de personnels enseignants soit reconnue en Norvège. Une nouvelle stratégie multipartite nous permet aujourd’hui d’espérer un changement à tous les échelons de l’enseignement, de l’éducation de la petite enfance à l’enseignement supérieur.

Le manque de personnels enseignants qualifiés est un problème mondial. Selon l’UNESCO, le monde a besoin de 44 millions d’enseignantes et enseignants supplémentaires.

Face à cette situation, le Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante a formulé 59 recommandations historiques sur la manière de remédier au problème. Ces recommandations doivent évidemment être adaptées au contexte et à la situation de chaque pays, mais elles constituent cependant une feuille de route importante pour agir.

Et il en va de même pour la campagne de l’Internationale de l’Éducation La force du public : ensemble on fait école, une initiative importante et opportune dans ce contexte. L’Internationale de l’Éducation et ses organisations membres travaillent ensemble par-delà les frontières pour mettre à profit ces 59 recommandations, en vue d’obtenir des financements, d’éviter l’austérité et de garantir que chaque élève puisse accéder à un enseignant ou une enseignante qualifié·e bénéficiant d’un soutien suffisant, ainsi qu’à un environnement d’apprentissage de qualité. 

Première étape : reconnaître le problème

Afin de trouver une solution à la pénurie de personnels enseignants, toutes les parties prenantes doivent commencer par admettre que nous avons un problème.

Une des premières priorités de mon organisation − Union of Education Norway (Syndicat de l’éducation de Norvège) − a été de défendre le droit des élèves de recevoir un enseignement dispensé par un enseignant ou une enseignante qualifié·e.

Pendant longtemps, l’Association norvégienne des autorités locales et régionales (KS) ne s’est pas inquiétée outre mesure de constater que, dans les écoles norvégiennes, un·e enseignant·e sur cinq n’est en réalité pas qualifié·e. Notre syndicat était confronté à une organisation patronale qui n’a cessé de recourir à des tactiques de dissimulation des données statistiques et de minimisation de l’importance de la qualification des enseignantes et enseignants.

Cette réalité est devenue évidente en 2022, lors de la plus longue grève des personnels enseignants en Norvège, qui a duré quatre mois et à laquelle le gouvernement a mis fin par la force. L’Union of Education Norway a officiellement porté plainte auprès de l’Organisation internationale du Travail (OIT), au motif que l’accord salarial contraint et forcé a été établi sur des bases insuffisantes. Nous attendons avec impatience la décision de l’OIT.

La stratégie nationale multipartite : un important pas en avant

Il semble toutefois que les choses aient changé récemment.

L’an dernier, le gouvernement et onze autres organisations du secteur de l’éducation, parmi lesquelles les syndicats de l’éducation, l’Association norvégienne des autorités locales et régionales (KS) et diverses organisations représentant les universités et l’enseignement supérieur, ont signé une stratégie unifiée reconnaissant la gravité et le caractère insoutenable de la pénurie de personnels enseignants qualifiés en Norvège.

Un consensus reconnaît aujourd’hui que chaque élève est en droit de recevoir un enseignement dispensé par un enseignant ou une enseignante qualifié·e et que la situation actuelle doit changer.

La stratégie fixe quatre objectifs majeurs pour 2030 :

  • Une carrière dans l’enseignement doit être un choix attrayant pour les étudiantes et étudiants.
  • Les différents programmes de formation des personnels enseignants doivent être de haute qualité et pertinents pour la profession.
  • Chaque enseignant ou enseignante qualifié·e qui débute dans l’enseignement doit bénéficier d’un encadrement et de conseils, afin de lui assurer une transition positive entre les études et l’entrée dans la profession.
  • Les écoles et les établissements d’éducation de la petite enfance doivent être des lieux de travail attrayants, qui recrutent des personnels enseignants et assurent leur maintien dans la profession.

Une crise multidimensionnelle

En présence de ressources suffisantes et de cadres pertinents, l’enseignement est en effet le plus beau métier du monde. C’est aussi l’un des métiers les plus importants pour notre société.

C’est pourquoi je suis très heureuse que nous ayons enfin pu aboutir à une prise de conscience commune de cette crise que traverse l’enseignement en Norvège. Il est urgent de définir une stratégie conjointe qui puisse mobiliser l’ensemble du secteur de l’éducation et l’encourager à agir.

La pénurie de personnels enseignants est une crise dont les impacts sont multiples. Elle provoque une chute spectaculaire du nombre de candidates et candidats souhaitant participer aux programmes de formation des personnels enseignants. Au cours de ces cinq dernières années, le nombre d’étudiantes et étudiants qui entament une formation universitaire en vue de faire carrière dans l’enseignement a quasiment diminué de moitié.

Partout en Norvège, les municipalités peinent à recruter des effectifs possédant les qualifications requises pour enseigner. Les jeunes enfants de l’enseignement préprimaire et les élèves du secondaire supérieur sont les plus touchés par le manque de personnels enseignants qualifiés.

Par ailleurs, le nombre d’enseignantes et enseignants qui quittent leur emploi dans l’enseignement préprimaire et supérieur est alarmant, même si le métier leur plaît.

Il est temps d’agir

Il appartient désormais aux différents acteurs de l’éducation de mettre cette stratégie en œuvre. Je suis évidemment impatiente et souhaiterais que des mesures plus concrètes soient prises rapidement. Mais nous savons que la situation est difficile et qu’aucun d’entre nous ne peut résoudre cette crise isolément.

L' Union of Education Norway fera tout ce qui est en son pouvoir pour rendre la profession enseignante plus attrayante. Nous savons qu’il est important de garantir de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Les salaires des enseignantes et enseignants doivent être portés au même niveau que ceux accordés dans les autres secteurs professionnels requérant des niveaux comparables de qualifications de l’enseignement supérieur, tout comme il importe de revaloriser les salaires des personnels enseignants de l’éducation de la petite enfance.

Les jeunes qui entrent à l’université ont eu l’occasion d'observer leurs enseignantes et enseignants en classe durant au moins treize ans et il apparaît clairement que leurs observations n’ont rien de motivant. Raison pour laquelle il est urgent de coordonner nos efforts pour améliorer les conditions de travail au sein de la profession enseignante. Je suis heureuse que ce défi fasse partie intégrante de la stratégie.

À cet égard, l’ Union of Education Norway veillera également à ce que toutes les municipalités s’engagent à mettre en œuvre des programmes d’accompagnement pour les enseignant·e·s qualifié·e·s qui entrent dans la profession et à leur offrir des opportunités de formation pertinentes et de qualité.

Nous veillerons également à renforcer les communautés professionnelles sur les lieux de travail et à faire entendre la voix de la communauté enseignante dans tous les processus décisionnels ayant trait à l’éducation.

De nombreux défis nous attendent à l’avenir mais, si nous avons un point de départ commun, il nous sera plus facile de trouver des solutions.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.